Compensation carbone

Ça ne vous aura pas échappé, de nombreuses entreprises misent aujourd’hui sur la compensation carbone pour verdir leur image, rassurer leurs clients quant à l’impact de leurs achats, et en attirer de nouveaux. La compensation carbone, c’est cette pratique qui consiste à contrebalancer ses propres émissions de gaz à effet de serre en finançant des projets à portée écologique.

Mais alors dans quelle mesure est-il vraiment juste de dire que l’on « compense » nos émissions ? Parle-t-on d’une énième manœuvre de greenwashing ou d’une réelle mesure prise par les entreprises contre le réchauffement climatique ? On se penche sur toutes ces questions dans cet article !

La compensation carbone, comment ça fonctionne ?

Définition

La compensation carbone consiste à compenser une partie de émissions de gaz à effet de serre en finançant des projets de séquestration du carbone ou de réduction des émissions dans tel ou tel secteur. Reforestation, développement des énergies renouvelables, captation de méthane dans les décharges, amélioration de l’efficacité énergétique des industries, … Les projets financés par les actions de compensation carbone sont variés.

La compensation s’opère à travers l’achat de « crédits carbone » auprès d’organismes spécialisés, chaque crédit carbone acheté venant compenser 1 tonne de CO2eq émis.

Le marché du carbone

Le Protocole de Kyoto et l’origine du marché du carbone

Pour bien comprendre l’origine des crédits carbone, un petit point historique s’impose. Revenons en 1997. Cette année-là, la 3e Convention des Parties (COP) sur les changements climatiques a lieu au Japon, et débouche sur un fameux accord international : le Protocole de Kyoto.

Le point central de cet accord : les Etats signataires s’engagent à réduire entre 2008 et 2012 d’au moins 5% leurs émissions de gaz à effet de serre, par rapport à leurs niveaux d’émissions observés en 1990.

En plus des plans nationaux qui doivent alors être mis en place pour que les pays réduisent leurs émissions, des mécanismes complémentaires sont prévus par le Protocole de Kyoto pour aider les pays à atteindre leurs objectifs. Et parmi ces mécanismes, il y a la création d’un marché du carbone.

Ce marché permet aux pays d’investir dans des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre hors de leur propre territoire pour « compenser » les émissions qu’ils n’auraient pas réussi à réduire, et de cette manière, atteindre les objectifs fixés par le Protocole de Kyoto.

Application au niveau de la France

En France, les entreprises de plus de 500 salariés, les structures publiques de plus de 250 personnes ou encore les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants ont l’obligation de réaliser un bilan carbone tous les 3 à 4 ans. Suite à ça, les organisations qui n’ont pas suffisamment réduit leurs émissions sont contraintes à compenser leurs émissions excédentaires en achetant des crédits carbone sur un marché réglementé.

En parallèle de ce marché réglementé, s’est développé un marché de compensation carbone volontaire. Les organisations désireuses d’atténuer l’impact de leurs activités peuvent, d’elles-mêmes, décider d’y acheter des crédits carbone.

Les limites de la compensation carbone

Au-delà de tout ça, il faut prendre en compte que quel que soit le projet financé grâce à l’achat de crédits carbone, les émissions de l’organisation qui les achète ne seront pas immédiatement compensées.

Prenons l’exemple d’un nouveau champ de panneaux solaires. Une fois financé, il va falloir du temps pour l’installer et le mettre en fonctionnement. C’est seulement ensuite qu’il produira de l’électricité qui permettra de réduire l’utilisation d’une centrale à charbon dans le pays concerné. Il va donc éviter chaque jour des émissions qui auraient été générées par cette centrale à charbon. Mais il n’évitera pas dès son installation l’ensemble des émissions qui doivent être compensées.

On pourrait en dire autant pour un projet de reforestation. Les arbres captent entre 10 et 50 kg de CO2eq par an selon l’espèce, l’âge de l’arbre et les conditions climatiques. Mais la séquestration du CO2 n’est pas immédiate non plus.

Il y a donc un temps de latence entre le moment où l’entreprise achète des crédits carbone et le moment où les quantités souhaitées de CO2 sont captées ou évitées. Et pendant ce laps de temps, qui peut durer plusieurs années, les gaz à effet de serre émis participent au réchauffement climatique.

Compensation carbone et greenwashing

La possibilité de « compenser » des émissions de gaz à effet de serre a donné des idées à certaines entreprises peu scrupuleuses, qui n’hésitent pas à en tirer profit. Comment ? Et bien en rassurant, en déculpabilisant le client sur l’impact environnemental de ses achats en lui faisant miroiter que les émissions générées seront compensées.

On pourrait donner l’exemple de compagnies aériennes qui affirment, sans trop donner de détails (étonnamment), compenser les émissions générées par les vols de ses clients grâce à des projets de reforestation. Une affirmation qui a de quoi faire tiquer.

Pour voir pourquoi, faisons un rapide calcul. Un aller / retour Paris – New York en vol commercial génère autour de 2,5 tonnes de CO2eq par passager. Un arbre absorbant en moyenne 25 kg de CO2eq par an (ou jusqu’à 50 kg selon l’espèce), il faudrait donc planter 10 arbres par passager pour compenser les émissions de cet aller et retour sur une durée de 10 ans. Si on compte 300 passagers dans l’avion, ça donne donc un total de 3000 arbres dont la plantation doit être financée par la compagnie aérienne pour compenser les émissions de l’ensemble de ses passagers sur 10 ans. Et là, on ne parle que d’un seul aller et retour.

Il est évident que les compagnies aériennes (pour ne citer qu’elles) sont bien loin de compenser l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre de leurs clients. Celles qui affichent l’argument de la compensation carbone se gardent bien de dire que seule une part minime des émissions des passagers seront réellement compensées.

Si la réglementation se durcit petit à petit vis-à-vis du greenwashing, il reste nécessaire d’être attentifs aux actions de communication ayant pour argument déculpabilisant la compensation carbone réalisée par les entreprises.

En somme, si la compensation carbone peut s’avérer tout à fait vertueuse lorsqu’elle est faite dans les règles, elle ne peut pas être à elle-seule au centre des stratégies des entreprises et organisations pour minimiser leur impact sur l’environnement. En effet, les émissions compensées ont quand même un impact sur l’environnement

Toute l’attention des organisations doit être portée sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre générées par leurs activités. Eh oui, comme la plupart des solutions qu’on peut trouver en faveur de l’écologie, la compensation carbone n’est pas une solution parfaite. Et il ne faut la voir que comme une aide, permettant de minimiser l’impact des émissions « incompressibles », quasiment inévitables dans l’activité de ces organisations.

Publication : Mai 2024.

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