On nous parle beaucoup des impacts directs sur notre santé de la consommation active ou passive de cigarettes. Beaucoup de campagnes de prévention sont faites pour encourager chacun à arrêter de fumer, ou à ne pas commencer, et c’est génial.
Mais il y a une chose dont on parle moins : l’impact de l’industrie du tabac sur l’environnement. Un impact qui peut pourtant influer aussi de manière indirecte sur notre santé, que l’on soit fumeur ou non d’ailleurs.
De la production du tabac jusqu’à la fin de vie des mégots de cigarettes, on vous propose un petit éclairage sur l’impact global de l’industrie du tabac sur l’environnement !
PS : Cet article s’appuie très largement sur le rapport « Tobacco : Poisoning our planet » de l’Organisation Mondiale de la Santé, paru en mai 2022. On vous recommande fortement de lire pour plus de détails !
La production de tabac
Utilisation des terres et déforestation
Alors qu’on produit du tabac un peu partout dans le monde, le gros de la production mondiale se partage entre l’Asie de l’Est (Chine, Inde, Indonésie, …), l’Amérique du Sud (Brésil, Argentine), l’Afrique du Sud-Est (Zimbabwe, Zambie, Tanzanie, …) et les Etats-Unis.
Malgré une diminution notable du nombre de fumeurs à l’échelle mondiale depuis les années 2000, la culture du tabac a toujours un très fort impact sur l’environnement. Et cela vient en grande partie de la déforestation opérée pour la production de tabac.
Cette déforestation est effectuée pour satisfaire aux besoins de certaines techniques de séchage du tabac, qui nécessitent de brûler du bois en quantités importantes, mais aussi et surtout à cause de l’utilisation massive d’engrais et de pesticides qui appauvrissent les terres et la biodiversité locale. Les terres finissant par ne plus être assez fertiles, de nouvelles terres sont régulièrement déforestées et défrichées pour créer de nouveaux champs de tabac, et maintenir ainsi des niveaux de production élevés.
L’industrie du tabac serait responsable de la perte d’environ 200 000 hectares de forêt chaque année selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). On parle de 5% de la déforestation au niveau mondial, pour une surface déforestée équivalente à la surface totale du département de l’Essonne.
Utilisation d'eau par l'industrie du tabac
Un autre gros sujet concerne les quantités d’eau utilisées par l’industrie du tabac. Toujours selon l’OMS, 22 milliards de litres d’eau douce sont utilisées chaque année pour la production, le transport et le conditionnement des cigarettes. L’équivalent du débit journalier du fleuve Amazone, le plus grand fleuve du monde, ou encore de la capacité de 15 millions de piscines olympiques !
Pour donner un chiffre plus parlant, chaque kilogramme de tabac produit a nécessité l’utilisation d’une quantité d’eau douce équivalente aux besoins en eau potable d’une personne sur toute une année !
Alors que l’eau douce devient rare par moments dans certaines régions, les cultures de tabac, particulièrement gourmandes en eau, font peser une pression supplémentaire sur le niveau des cours d’eau et peuvent entrer en concurrence avec d’autres cultures pour l’approvisionnement en eau, ce qui pose inévitablement des questions d’éthique.
Les conditions de travail des cultivateurs
Un élément dont on oublie presque toujours de parler quand on évoque l’industrie du tabac, c’est l’impact du travail dans les champs de tabac sur la santé des travailleurs. Un aspect pourtant central quand on sait que plus de 30 millions de personnes dans le monde sont concernées, principalement dans des pays en développement, dont de nombreux enfants.
D’après l’OMS, près d’un quart des cultivateurs de tabac souffrent de la maladie du tabac vert. Cette pathologie observée chez de nombreux travailleurs provient d’une intoxication à la nicotine par la peau. En travaillant en contact constant avec les feuilles de tabac, les cultivateurs reçoivent chaque jour une dose de nicotine équivalente à ce qu’on trouve dans 50 cigarettes, ce qui peut entrainer des nausées, des vertiges ou encore une fluctuation de la tension artérielle.
Si les effets à long terme d’une telle surexposition à la nicotine sont encore inconnus, il est évident que ce n’est pas neutre et que d’autres types de cultures seraient bien plus vertueuses pour eux à tous points de vue. Seulement, comme l’indique l’OMS, les cultivateurs sont bien souvent pris au piège dans le cercle vicieux des dettes qu’ils ont contractées avec l’industrie du tabac pour se procurer les engrais et les semences. Et ils ne tirent au final de leur travail que de faibles revenus, sur un marché du tabac pourtant extrêmement lucratif.
Les déchets causés par l'industrie du tabac
Conditionnement et transport des cigarettes
Chaque année, 6 000 milliards de cigarettes sont produites et emballées dans 300 milliards de paquets, eux-mêmes emballés dans du plastique, puis rassemblés dans des cartons pour être transportés en supermarchés ou en bureaux de tabac partout dans le monde.
A l’arrivée, ce sont au moins 2 millions de tonnes de déchets carton qui sont générées chaque année rien que pour le transport et le conditionnement des cigarettes.
Les mégots de cigarettes
Comment parler des déchets liés au tabagisme sans évoquer les mégots de cigarettes ? Le mégot est de très loin le déchet le plus couramment jeté par terre dans les pays occidentaux, lancé dans les bouches d’égout ou écrasés sur le trottoir.
Sur les 6 000 milliards de cigarettes produites chaque année qu’on évoquait à l’instant, près des trois quarts ne seraient pas jetés dans des poubelles appropriées et présenteraient un danger pour l’environnement. Ce danger se caractérise bien sûr par le risque d’incendie que les mégots font courir notamment dans les environnements secs. Un risque à prendre très au sérieux quand on sait que tous les ans des incendies se déclarent à cause de simples actes de négligence, pour des dégâts parfois très importants.
Mais l’autre danger lié au jet de mégots au sol ou dans la nature, c’est évidemment la pollution qu’il génère. La grande majorité des mégots de cigarettes jetés par terre, poussés par les eaux de pluie, finissent dans les rivières, les lacs ou les mers. Une fois dans l’eau, un mégot libère plusieurs milliers de substances toxiques, polluant alors près de 500 litres d’eau. Quand on le multiplie par le nombre de mégots qui finissent dans nos cours d’eau ou dans les océans, la pollution est tout bonnement colossale.
À cela, il faut encore ajouter que les filtres de cigarettes ne sont pas biodégradables. Au contraire, contenant du plastique, ils polluent durablement les milieux aquatiques en se décomposant en milliards de microplastiques. Les filtres de cigarettes représentent l’une des principales sources de pollution plastique dans les mers et océans, à l’échelle mondiale.
Impact global de l'industrie du tabac sur le climat
Entre la production du tabac, son transport, son conditionnement, sa consommation et les pollutions générées par la décomposition de ses déchets, l’industrie du tabac génère chaque année l’émission d’environ 84 mégatonnes de CO2eq. C’est l’équivalent des émissions annuelles de la Nouvelle-Zélande ou de l’Autriche.
Alors face à une industrie aussi peu scrupuleuse, qui exploite notre besoin d’appartenance et d’intégration sociale dans un premier temps, puis nous rend dépendants à des produits complètement addictifs et néfastes pour notre santé et pour l’environnement, et tout ça pour s’en mettre plein les poches, la meilleure réponse à notre échelle (même si ce n’est pas si simple, on sait) est très clairement de s’en détourner.
Gardons notre argent (et nos poumons) pour nous faire plaisir autrement. Et à la pause au travail, en soirées ou dans tous les autres contextes possibles, imaginons d’autres activités qui nous rassemblent !
Publication : Mai 2024.